Toute cette semaine Hommage à Jacob Desvarieux sur Fusion
Au Sénégal
C’est au Sénégal que Jacob Desvarieux a appris à jouer de la guitare avec ses voisins. L’un d’entre eux sera plus tard le bassiste de Youssou N'Dour. Ce premier séjour en Afrique a marqué à jamais le musicien qui plus tard aura grand plaisir à venir s’y produire avec Kassav’. Après le Sénégal, Jacob et sa mère sont revenus en France, à Marseille. C’est là qu’adolescent, il a rejoint un groupe de rock, les Bad grass. Progressivement, il a lâché le lycée pour devenir arrangeur. La passion de la musique était trop forte. Jacob Desvarieux a fait le choix de « monter » à Paris où les opportunités étaient plus nombreuses à l’époque. Ce n’était pas encore le succès, mais le musicien avait réellement trouvé sa voie.
La création de Kassav'
En 1979 à Paris, Jacob Desvarieux a fait une rencontre déterminante. Un musicien guadeloupéen tenait à le rencontrer pour lui parler d’un projet un peu fou. Pierre-Edouard Décimus voulait en effet créer un groupe qui revienne aux sources de la musique antillaise et qui soit mondialement connu. Il avait même le nom en tête : Kassav’ en référence à la galette de manioc en créole.
Pierre-Edouard Décimus avait déjà monté Les Vikings, un groupe qui lui avait valu des moqueries de la part de touristes. Il se disait que le nom de son groupe n’était "pas terrible" et ne voulait pas reproduire la même erreur. Pierre-Edouard Décimus a embarqué Jacob Desvarieux dans l’aventure. Ils ont enregistré ensemble un premier album Love and Ka dance puis sont partis à la recherche d’autres musiciens sur la même longueur d’onde.
Kassav’ s’est constitué petit à petit et dès le départ Jacob Desvarieux en était l’un des piliers avec les frères Décimus, Pierre-Edouard et Georges. Puis les Martiniquais Jean-Philippe Marthély, Jocelyne Béroard, et Jean-Claude Naimro ont rejoint le groupe ainsi que les Guadeloupéens Patrick Saint-Eloi et Claude Vamur. En 1984, Jacob Desvarieux a composé en Haïti un tube légendaire : Zouk la sé sèl médikaman nou ni. C’est cette chanson qui a donné son nom à la musique de Kassav’ : le zouk. Georges Décimus avait écrit les paroles. Aimé Césaire a même repris cette phrase Zouk la sé sèl médikaman nou ni dans l’un de ses discours.
Premier Zénith
En 1985, Kassav’ a fait son premier Zénith à Paris. La salle était remplie : 80 000 personnes en liesse. Jacob Desvarieux était fier de rappeler que ce succès s’était produit sans aucune promotion. Le groupe s’est ensuite lancé dans une tournée en Afrique avec son lot de galères, "pas plus qu’ailleurs" insistait Jacob Desvarieux. Un producteur avait « oublié » de payer des nuits d’hôtel. A Luanda en Angola, en pleine guerre civile, Kassav’ avait chanté devant 90 000 personnes.
Lors du premier carnaval tropical de Paris en 1986, 250 000 personnes étaient venues applaudir Kassav’ à Vincennes. Un triomphe. Et puis le groupe a commencé à faire des concerts dans le monde entier. Notamment en 1989, Kassav’ est le premier groupe noir à se produire en URSS à Leningrad, l’ex-Saint-Pétersbourg. La même année en 1989, le groupe a joué devant 500 détenus à la prison de Fleury-Merogis. Rien ne pouvait arrêter le zouk. Jacob Desvarieux appréciait cette vie de nomade. Il en a fait des tours du monde ! Le guitariste ne s’est jamais lassé de ses communions avec le public à travers la planète.
Syé bwa
Kassav’ a enchaîné les tubes dont le fameux Syé Bwa. Le clip avait été tourné à Kinshasa de manière totalement improvisée. Au fur et à mesure des albums, la voix si particulière de Jacob Desvarieux s'est imposée. Il n’avait pas vraiment imaginé devenir un jour chanteur, mais son timbre grave et singulier a séduit. Le groupe Kassav’ a eu des coups durs comme le départ de Patrick Saint-Eloi en 2002 ou encore le divorce avec Sony, mais à aucun moment selon Jacob Desvarieux le groupe a tangué. A tel point qu’il n’a jamais songé à larguer les amarres et mener une carrière en solo.
Au fur et à mesure de sa carrière, Jacob Desvarieux a eu de plus en plus de propositions dans le cinéma. Il n’a jamais couru après, mais il se voyait mal tout refuser. Lui qui a toujours dénoncé le manque d’acteurs noirs dans le cinéma français. Dès 1992, il avait incarné le musicien Isidore dans Siméon, le film d’Euzhan Palcy. Des années plus tard, grâce à une agent rencontrée à Dakar lors d’un défilé de mode, il s’est retrouvé embarqué dans le tournage des deux premiers épisodes de la série américaine The young pope avec Jude Law. Il a ainsi joué le rôle d’un cardinal africain et n'a pas manqué un seul épisode de cette série qui l'a captivé.
Une santé fragile
En 2009, Jacob Desvarieux a eu de gros soucis de santé. Dialysé pendant un an, il avait souffert le martyre, mais avait choisi de continuer à jouer sur scène. Il ne voulait surtout pas renoncer à faire de la musique et avait fêté en beauté les 30 ans de Kassav’ le 16 mai 2009 au Stade de France. C’était alors le premier groupe français à avoir rempli l’enceinte sportive. Jacob Desvarieux avait pu être finalement être greffé d’un rein en 2010 et se disait en avril 2021 « rajeuni de dix ans ».
Généreux et bosseur, Jacob Desvarieux aimait faire partager son expérience. Il n’avait aucun mal à donner des interviews dans lesquelles il aimait raconter sa fabuleuse carrière. Ce fut le cas en 2019 à la veille du concert des 40 ans de Kassav’.
Ce concert des 40 ans avait rassemblé 40 000 fanatiques de Kassav’ au Paris La défense Arena. Le groupe n’avait rien perdu de sa vigueur et avait communié pendant trois heures avec son public. Jacob Desvarieux aimait aussi jouer avec des artistes plus jeunes tels qu’Admiral T ou Passi. En 2019, il avait participé au clip Chat Ka Tété Rat dans lequel Admiral T revisitait avec brio la chanson du Guadeloupéen Robert Loyson, grande figure du gwoka.
Le musicien avait toujours plein de projets. Il avait profité des confinements pour souffler un peu et composer. Malgré ses problèmes de santé, il n’avait aucune envie de raccrocher. Le public l’appréciait énormément et nous aussi.